Bruno LETANG
Claude Broussouloux 1937-2023

C’était un auteur aimable. Dans le sens premier du terme. On l’aimait parce qu’il était affable, accueillant. Dans un monde où les egos se redressent, où les aspérités écorchent, où les mots blessent, il était serein, reposant. Il accueillait toujours son interlocuteur d’un grand sourire pimenté d’un œil malicieux.
Il livrait ses textes aux metteuses et metteurs en scène comme une proposition, en leur disant avec cette lucidité et cette modestie qui le caractérisaient «moi je ne connais rien au plateau ». Il était alors, toujours admiratif des spectacles montés avec ses textes. Certainement parce qu’il n’avait rien à prouver. Sa carrière professionnelle était médicale. Il était un vrai auteur « amateur », de même que nous sommes, sur scène ou en coulisses, des « amateurs » pratiquant le théâtre avant tout comme un plaisir, loin des vanités, ce qui ne l’empêchait pas de faire partie de l’Académie des Molières où siègent tous les pros du théâtre.
Radiologue, Il avait écrit plusieurs livres scientifiques et techniques, dont « L’homme transparent » où il investiguait toutes les techniques d’exploration du corps humain. Il avait aussi étendu sa pratique de la radiologie à l’exploration des âmes de ses personnages qui étaient de celles et de ceux que l’on peut croiser dans l’escalier. Mais ces gens « nextdoor », comme diraient les scénaristes américains, glissaient peu à peu dans des rapports bizarres, des contextes extraordinaires où tout se déroulait naturellement en sombrant progressivement dans l’absurde pour aboutir souvent à une impasse tragique où la mort pouvait être au rendez-vous. Quand Claude écrivait (de préférence dans un bar de Montparnasse où il m’avait fixé rendez-vous pour notre première rencontre en 1980), l’ombre de Kafka rôdait toujours autour de lui.
Il était un compagnon de route du Festival depuis ses débuts en 1986. Il avait été le premier « secrétaire éphémère » de l’académie des auteurs dramatiques de Châtillon-sur-Chalaronne (titre qu’il s’était forgé sur mesure, en clin d’œil à la « grande » Académie). Il y venait toujours avec plaisir et ce plaisir était partagé car il n’avait ici que des amis qui s’associent au chagrin de sa compagne Nathalie et de toute sa famille. Mais – privilège des auteurs – sa chaleur et ses textes resteront toujours présents dans notre mémoire et celle du Festival.
Jean-Paul Saby
Photo Emile Zeizig www.mascarille.com